• La combe de l'yeuse

    Tout au fond d'une solitaire combe,

    Est-ce la combe de l'yeuse ?

    Aussi fleurie qu'une fraîche tombe,

    Se niche le mas du "Sans-souci".

    Ceintes de fins cyprès séculaires

    Aux cimes têtues

    Et aux missions tutélaires,

    Les vieilles pierres respirent encore

    D'un souffle ténu.

    Le lierre course sa ruine,

    Ventru, suant ses silencieux efforts,

    Disloquant les murs

    Qui n'abritent plus qu'un vieux sureau

    Aux juteuses baies noires.

    Les tuiles,

    Aux teintes définitivement fades

    N'en finissent plus de se tenir la main.

    Au creux de leurs blessures aiguës,

    D'attentives joubarbes élisent sagement domicile.

    De volubiles orpins tapissent les rigoles

    Et d'impatients lichens jaunâtres prêchent

    Des idées délicieusement subversives.

    Alentour, les faïsses aux géométries si peu rectilignes

    Nourrissent de grappes sang et or

    Les derniers destins insignes

    De quelque berger ou peintre encor.

    Tout au fond d'une solitaire combe,

    Enchâssée d'une garrigue sombre,

    Éclate au soleil d'automne

    Le mas du "Sans-souci".

    Patrick AVELINE ------------------ Pour mes parents - 40 ans de mariage.

    Vitrolles, octobre 2000.


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  • Jardins éphémères ---------------------------------------- Dans l'épaisseur presque tangible De ces obscurités matinales, Les éclairs griffonnent d'étranges adresses Au dos des nuages. Dans ces nuits à l'agonie, se pressent À perdre haleine, Car elles n'ont plus l'âge, Des images pêle-mêle ; Des allégories constellées de pluriels ; Des métaphores belles et rares. Bousculade de mots singuliers, car L'art d'assembler ceux-ci n'a d'égal Que la pensée la plus fine d'un madrigal. La traduction de ces inflexions nocturnes, Arabesques si peu orientales Où transparaît, diaphane, chaque lune, Se couche quelquefois sur un papier glacé, Brûlant alors la plume de mes écritures enlacées.

    Patrick AVELINE ------------------ Aix-en-Provence, mai 1989.


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  • En attendant… ------------------------------------ En attendant Godot et toute sa clique de clowns insomniaques et énamourés, Je t'ai préparé une tasse de café bien noir sans sucre, Pour surnager aux vagues imprécises et hémorragiques des mers intérieures. Bois-le avant qu'il ne refroidisse au passage d'un Transsibérien pressé d'en finir. En attendant, patient, la fonte des neiges d'un Kilimandjaro sidéral, J'irai voir ailleurs si j'y suis, Si tu y es, si nous y sommes, Toujours hiératiques, les yeux mi-clos, agités de quelque tressaillement magmatique. En attendant les grands chambardements de cette langue de Finistère, Et l'automne, et les feuilles qui volent imperceptiblement des sycomores acadiens, Va glaner quelques enveloppes timbrées au coin de tes yeux Et adresse les au Pape, à l'antipape, ou alors à qui tu aimes, Pour qu'ils sèment quelques graines de plus aux champs si difficiles de l'ubac de Lambruisse. En attendant ces moments qui cillent, vibrent en ut, Et s'éparpillent aux sons de froissements de papiers de bonbons, La porte du sud s'ouvre, Et suit la meute des chiens aux yeux jaunes. Ils s'apprêtent à une circumnavigation rythmée Des cacophonies suburbaines vissées à leurs tempes, Mais s'apaisent aux longues heures des clapotis imperceptibles. En attendant un silence spectral Aux tournures mélodramatiques, "taxidermié" par les plus grands spécialistes, J'inventerai des ersatz d'air d'opéra aux relents de swing fatigué, Pour qu'ex nihilo tu poursuives tes chimères en Laconie, Pour que tu ne pleures plus toutes les eaux atlantiques, Pour que tu saches t'asseoir, et pire dormir à l'ombre des derniers bananiers géants des îles brûlées. En attendant que l'eau de mes rêves éthérés ne passe plus sous le pont de tes soupirs asymétriques, En attendant l'inversion des saisons, à l'époque des grands syzygies, Je te promets de ne plus fumer en nuages opaques, Quand tu maquilles tes lèvres pour que toutes les buées se délectent de tes baisers sanglants, Alors je te promets de régler, à quelques printemps près, L'horloge de nos envies trop souvent mesurées au rythme des temps géologiques, Si Würm s'est enfin réchauffé aux néons glauques des parkings souterrains Amarrés en péninsules sous la ville vermifuge et "vertugadine" en bourrelets clonés sans fin. En attendant les nectars sirupeux de nos enfances aux cervelles sourdes, Et les lents pique-niques photographiés en noir et blanc les soirs de grande tempérance ou les matins Amènes Le long des canaux paisibles et parallèles, ombragés des ailantes au fines ramures, En attendant je "scaphandre" des instants d'éternel ennui à l'extrême limite des corniches, Et je t'offre les dernières secondes volatiles de répit, Avant d'inonder tes parfums sensibles, d'herméneutique bien absconse, D'iconostases comme autant de cloisons, et de contentieux si peu souvent alternatifs. En attendant les jours sans nuit, les musiques sinusoïdales Distillées en rondes au bout des grandes allées de platanes, Lorsque la lumière n'écarquille plus que le rai clair et fin d'un horizon levant, J'allumerai alors les falots des chalutiers à la marée montante, Pour que les halos ainsi formés "luciolent" les côtes rocheuses d'un Armor embruiné et vaporeux, Où ta ballade se perdra d'instants prolifiques et spongieux. En attendant de t'aimer…

    Patrick AVELINE ------------------ Vitrolles, avril 2001.


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  • Couple (suite) ---------------------------------

    Ta harpe en bandoulière,

    Tu avais fredonné

    D'inspirées ballades

    Virgiliennes,

    Mais d'un auguste geste,

    J'ai obstrué de cire épaisse

    Mes cavités auriculaires.

    Une nuit amène,

    Tu avais swingué

    Des déhanchements sybarites

    À aguicher de chastes anachorètes,

    Ou au choix, à réveiller d'imminents lumbagos,

    Mais j'ai prétexté

    De violentes cécités passagères,

    Propices à l'endormissement des sages.

    Et puis tu t'es tue,

    Des heures telles des siècles,

    Créant l'ulcère duodénal

    De tes efforts pharaoniques,

    J'ai alors tiré profit

    De ces silences de cathédrale

    Pour capitaliser de capotes anglaises

    Les tiroirs de toutes mes secrétaires.

    Alors, discourtoise,

    Tu as lacéré d'ongles affûtés

    Mes lentes collections

    D'épigraphes célèbres

    Et de freesias laotiens,

    Éparpillant ainsi mes mots, mes odeurs,

    Aux coins de régions inaccessibles.

    Insensible,

    Tu as échevelé

    Trois bataillons de tirailleurs sénégalais,

    J'ai donc prié de clairs psaumes

    Puis, vidé, d'insensés galimatias.

    Encore plus offensante,

    Dans mon dos,

    Tu as appliqué de cataplasmes couleur moutarde sale,

    Mes espoirs les plus fous,

    Je les ai bandés soigneusement,

    Gémissant les excuses du grand escogriffe que je suis.

    Apaisé,

    J'ai encombré alors,

    De renoncules, jaunes surtout,

    Le balcon de ta poitrine

    Et la véranda de tes cils courbés.

    Apaisée,

    Tu as souri

    D'aphrodisiaques regards

    Et tu as évanoui mes mappemondes

    Pour de suaves grenadines…

    Ta harpe en bandoulière,

    Tu avais fredonné…

     

    Patrick AVELINE - Marignane, mars 2006


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  • Couple

     

    J'avais psalmodié

    Des douceurs de dunes,

    Mais tu as ruisselé

    Des larmes en geysers.

    J'avais hasardé

    Des routes obliques,

    Oléagineuses à souhait,

    Mais tu t'es assise,

    Irriguée d'iules bouillonnants,

    Sur le trottoir d'en face.

    Et puis j'avais péroré

    Des strophes stupéfiantes,

    Enflammant d'affectueuses métropoles guatémaltèques,

    Mais tu as spéculé

    Sur une extinction de voix.

    J'avais percé

    D'obtus mystères tsiganes,

    Mais tu as séduis

    Notre séfarade voisin.

    Alors, discourtois,

    J'ai piétiné

    L'échiquier de tes passiflores

    Si savamment élaboré,

    Mais tu l'as replâtré

    De miettes crachées

    A mes yeux dépourvus.

    Vexé,

    J'ai inféodé injustement

    Des hordes de cavaliers mongols,

    Tu as nasillé alors D'inutiles suppliques.

    Toujours plus amer,

    J'ai éventré tes pasos-dobles,

    Tu les a pansés,

    Tes castagnettes aux majeurs.

    J'ai écorché ta blancheur ivoirine,

    Mais tu as souris

    D'invraisemblables pardons.

    Patiente,

    Tu as calmé

    Mes élans pinailleurs,

    De moules au vin blanc

    Ou de calamars sautés à l'ail.

    Patient,

    J'ai séché tes cicatrices

    De pinacothèques lumineuses

    Ou de concupiscences abdiquées. …

    J'avais psalmodié

    Des douceurs de dunes…

     

     Patrick AVELINE

    Marignane, mars 2006.


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